Quel pilotage pour l’entreprise dans le B2B ?

Le « S&OP »  Sales & Operations Plan : de la planification stratégique à la planification opérationnelle 

  • La planification stratégique : 

Comme toujours, tout part de l’objectif stratégique : où l’entreprise veut-elle aller, autrement dit quel positionnement, quels couplages Marché-Produit choisit-t-elle pour remplir ses objectifs de marché et de profitabilité ? 

  1. quelle définition du produit, 
  2. quel délai de livraison, 
  3. quel prix ? 

Sans réponse à cette question stratégique, nul système industriel ne saura être organisé de façon optimale. C’est le prérequis : la bonne performance industrielle commence par un énoncé clair de la « mission ».  Avant de concentrer beaucoup de talents et d’énergie sur l’amélioration du savoir-faire, il faut prendre le soin d’établir un consensus sur une ligne stratégique claire : le savoir quoi faire 

Sur cette base, le concept industriel devra être arrêté : c’est la façon dont les moyens financiers, techniques et humains de l’entreprise seront articulés pour répondre à l’objectif stratégique, c’est-à-dire pour générer les flux du produit ainsi défini dans les quantités prévues au plan des ventes. 

Dès lors, la mise en place d’un Process S&OPSales & Operations Plan, en français PIC Plan Industriel et Commercial – sera l’alpha et l’oméga de la performance industrielle. Toute méthode d’amélioration de performance, telle Lean, 6Sigma, Contrôle de gestion ou autres empowerments, lui sera subordonnée. 

Traduisant le concept industriel, le plan s’assure de l’adéquation de la charge à la capacité en quantifiant et chiffrant les ventes prévisionnelles à partir de macro-données (planification dite « grosses mailles » : macro-gammes, analyse sur postes goulets,…). 

Il aide à se concentrer sur les facteurs critiques, identifier les risques et permet de cerner l’impact des scénarii de demande sur le business et appréhender les options possibles d’allocation des ressources. 

 

  • La planification opérationnelle : 

Le Process S&OP concilie en permanence demande et offre en partant de données synchronisées : 

  1. Rafraîchi pas-à-pas en fonction de la demande réelle, il rythme la vie du système industriel. Les directions fonctionnelles (ou leurs représentants aptes à décider), réunies sous l’arbitrage de la direction, prennent conjointement les décisions opératives qui s’imposent en termes d’ajustement du potentiel financier, humain, industriel. Les fonctions Production, Commerciale, Financière et Achats corrigent ainsi, autant qu’il est nécessaire, l’emploi des moyens pour réaliser la stratégie. Doit y être associé le BE quand le développement de variantes du produit intervient sur le chemin critique. 
  2. Il assure la visibilité requise pour mettre chaque responsable en position de donner le meilleur de soi, cultiver la performance et être partie prenante du résultat. 

Au-delà du plan tactique, le Process fera apparaître la nécessité de décisions structurelles pour répondre, le cas échéant, à de nouvelles orientations stratégiques : nouveaux produits, nouveaux marchés, nouveaux financements… Son horizon sera fixé en conséquence, annuel ou pluriannuel.

 

L’exemple d’un constructeur de machines 

Il s’agit ici d’un constructeur de presses à injecter le plastique employant 330 personnes en France et à l’étranger, qui réalise un CA de 50 M€ en livrant 300 machines par an en multicanal. 

Sur ce marché dont la technologie est mature, la compétition est technologiquement nivelée par le haut. Le délai de livraison devient discriminant dans la décision d’achat car un « délai marché » s’est instauré : c’est le délai maximum que le client est prêt à accepter. 

Priorisant avant toute autre considération le respect de ce délai, le constructeur recherche dans l’organisation des flux physiques et financiers l’optimisation du coût unitaire et du BFR :  

  • L’optimisation des flux financiers résultera essentiellement du lancement des fabrications à la commande associé à l’approvisionnement en prévisionnel des seuls composants ou matières à délai incompatible avec le délai marché 
  • L’analyse du déroulement des flux physiques (temps d’approvisionnement, de préparation, de fabrication, de montage, d’assemblage, d’essai et validation, lotissement économique, ressources critiques, etc…) permettra de maîtriser l’ordonnancement en retenant les meilleures options en termes d’efficacité, réduction des aléas et minimisation des encours : organisation par atelier ou îlots, flux tirés, lissage d’activités, horizons glissants par pas, horizons gelés, flexibilisation de la capacité par modulation du temps de travail, intérim ou sous-traitance, etc…. 

Nous nous limiterons à l’examen des produits phare représentant 80 % du CA. Les machines concernées forment une gamme étagée sur quatre puissances de fermeture déclinées avec variantes et options pour offrir une réponse dédiée à chaque demande de client. Par sa conception produit, le BE a contribué à une bonne maîtrise du configurateur. Toutes machines confondues sont aptes à s’inscrire efficacement dans le même système industriel : occupation des surfaces, flux, opérations de transformation, d’assemblage, de montage et tests, etc… 

Pour sa gamme phare, le délai marché est de deux mois. Nul concurrent ne se risque plus à proposer un délai plus court, qui obligerait à produire sur stock. Certains s’y sont essayés, mais le « time to cash » défavorable et une offre de produit trop standard a invariablement conduit au dépôt de bilan. 

Le délai d’approvisionnement des bruts de fonderie est plus long que le délai marché. Tous les autres approvisionnements peuvent être déclenchés à réception de la commande-client. Les bruts sont approvisionnés dans le cadre d’un contrat-cadre avec les fournisseurs sur la base des prévisions de vente fixées au budget annuel. Ce contrat laisse la latitude de faire varier les quantités appelées dans certaines limites sous un préavis. 

Les opérations d’approvisionnement et fabrication (usinage et montage des composants en sous-ensembles, assemblage et test des machines) sont exécutés dans le cadre précis du S&OP : 

  1. Un service spécialisé ICP (Interface Commercial-Production) a été créé avec la fonction majeure de veiller à la bonne instruction des offres commerciales et préparer la réunion mensuelle du S&OP par l’examen de la charge et du potentiel. Le calcul des besoins est effectué hebdomadairement. L’ajustement des engagements pour l’achat des bruts intervient trimestriellement avec un préavis d’un trimestre. 
  2. Le stade-clé du processus qui gouverne le système est l’atelier Assemblage/Essais. Il émet les kanbans pilotant l’atelier Usinage. L’atelier Automatisme travaille en synchrone relativement au cycle d’assemblage. Certains fournisseurs stratégiques sont associés en juste-à-temps par un système de kanban. Le système est stabilisé sur des horizons définis pour assurer une fiabilité des délais, un fonctionnement sans improvisation et la maîtrise de l’engagement des moyens humains (minimisation des coûts de régulation). 

 

En résultante : 

Une bonne connaissance du marché, la stratégie retenue, l’efficacité du concept industriel et son process S&OP confèrent au constructeur un leadership en France. 

Il figure en outre en excellente position dans le benchmark effectué pour les cinq sociétés sœurs et néanmoins concurrentes que réunit son groupe sur plusieurs continents (chacune jusqu’à dix fois plus importante en taille).

 

Atouts et limites.

  • L’efficacité intrinsèque :  
     
    La simple mise en place d’une planification dans une entreprise, à fortiori d’un Process S&OP bien conduit, produit de façon quasiment mécanique une amélioration de la tenue du délai, des gains de productivité et une maîtrise des stocks et encours : 
  • Le management devient lisible avec son effet positif sur la motivation des équipes. Au-delà, la « pression d’enjeu » qui naît lorsque l’entreprise subit une forte charge se traduit par une productivité encore accrue. 
  • Les optimisations locales incontrôlées, qui viendraient contraindre ou détruire la performance globale, sont évitées. 
  • Les horizons gelés permettent aux opérationnels de niveaux subordonnés de bénéficier d’un cadre dans lequel ils déploient avec autonomie leur savoir-faire pour dégager efficacité et faire face aux imprévus. Cette responsabilisation conduit à des hausses d’efficacité. La motivation est accrue, ouvrant la voie à l’accroissement des compétences et à la reconnaissance. 
  • Le focus sur un objectif commun : 

L’autre intérêt majeur du process S&OP réside dans la culture projet qu’il induit. La bonne définition des rôles et responsabilités de chacun, ainsi que la visibilité sur les priorités engageant, autour de la direction, toutes les fonctions impliquées dans la recherche de performance permettent d’ôter toute fonction alibi à l’organisation pour se concentrer sur l’objectif à atteindre. 

Un exemple intéressant est celui de la relation entre la fonction commerciale et les autres fonctions de l’entreprise, qui gagne beaucoup dans ce process. Quel dirigeant n’a pas rencontré une société où les commerciaux, connaissant bien le marché, se sentent parfois entravés par les autres fonctions… la production, le SAV, le service financier ou d’autres fonctions supports. Un management de bon sens pour maîtriser cette difficulté consiste à donner avant de demander : mettre toutes les fonctions en position de satisfaire toutes les exigences raisonnables des commerciaux. Il ressort assez vite que la prévision (des délais et du mix-produit) reste un déterminant majeur de leur efficacité. Cette prévision leur incombe, elle doit être exigée de façon formelle et vivante, étayée par les encours d’offres probabilisés et leur évolution pas à pas. Dans la réunion S&OP, le responsable commercial prend ainsi ses responsabilités en parfaite connaissance de cause. 

  • La stratégie : 

Chaque métier, marché, ou produit appelle une réponse particulière. La solution industrielle universelle n’existe pas, mais une solution optimale partant des ressources et de l’objectif peut être construite. 

De la vision stratégique au « réglage » opérationnel, la bonne séquence de questions à poser reste la même : quel est le marché – la stratégie – le concept industriel – le pilotage ? 

La cohérence entre objectifs stratégiques et objectifs opérationnels, la continuité entre la stratégie et le quotidien en dépendent. 

  • L’actionnaire et le management de Transition : 

Enfin, la question du rythme à adopter dans l’amélioration de la performance industrielle se pose. La réponse dépend des compétences disponibles dans l’entreprise et de l’écart de performance par rapport aux standards nationaux ou internationaux : stratégie clairement formulée ou pas, qualité du système industriel, mise en place d’un process de planification. 

Les responsables opérationnels ou transversaux devront être suffisamment « alignés », une trop forte densité de « responsables » évitée pour ne pas compliquer la tâche entre le siège, la BU et le site concerné. La perception par l’actionnaire de l’urgence dictera la méthode à employer. 

Le management de transition apparaîtra souvent comme une solution favorisant une prise de décision « objective » à cet égard. 

La conduite du changement en sera aussi facilitée. Renforcées par une capacité managériale immédiatement disponible, les équipes développeront une bonne perception de l’urgence favorisant l’alignement à de nouveaux process. 

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